Une oeuvre-phare Par Nelly GabrielDepuis quelques semaines déjà, La Tour de Feu de Johannes Itten dresse son utopie colorée sous la verrière du Goethe Loft... Construite sur la base de dix carrés de
dimensions dégressives, posés les uns sur les autres de façon à ce que leurs angles s'en trouvent décalés, des manières d'ailettes faites de métal et de verre y relient à tous les niveaux trois angles d'un même cube
donnant à cette tour un élan ascensionnel gracieux. Sculpture cinétique avant la lettre, elle tourne lentement sur elle-même, comme une vrille, faisant naître sur les facettes de
ses vitraux bleus, verts, jaunes et rouges, des reflets et des chatoyances qui rebondissent sur les murs. Cette sculpture n'est en fait qu'une maquette, et même pas une maquette originale, cette dernière, de 4
mètres de haut également, ayant été détruite lors de la dernière guerre mondiale. La Tour de Feu, dont le projet s'est élaboré vers 1919-1920, devait s'élever comme un signal sur l'aéroport de Weimar, où en raison des
problèmes économiques rencontrés par la République du même nom, elle ne fut jamais érigée. Pourtant, au-delà des années, son avatar en miniature fait
signe et rappelle à notre mémoire un artiste méconnu, sinon bien oublié du Bauhaus: le Suisse Johannes Itten. Appelé par Gropius, à Weimar, quand
celui-ci fonde le Bauhaus en 1919, Johannès Itten, peintre en formation mais ouvert à bien d'autres disciplines, se voit confier le cours préliminaire qu'il
assumera jusqu'en 1923, et jusqu'en 1922, il participera aux ateliers de sculpture, de vitrail, de métal, d'ameublement, de tissage, de peinture murale,
dont l'enseignement était dispensé dans cette école révolutionnaire que fut le Baughaus. Rapprocher arts majeurs et arts appliqués, afin de les mettre au
service de l'architecture, de les intégrer à celle-ci, telle fut, rapidement résumée, la philosophie du Bauhaus où es maîtres tels que Klee, Kandinsky, Moholy Nagy ou Albers enseignèrent. Dans sa conception du cours
préliminaire qui s'adressait à tous les étudiants à l'orée de leur cursus, Itten se montra fort original et se révéla un pédagogue assez charismatique. Son
enseignement artistique mit en avant ce que la tradition avait jusqu'alors négligé, à savoir le corps. Ainsi chacune des séances commençait-elle par des
exercices de relaxation. Il donna aussi sa place à la gestualité soulignant la dimension physique du rapport peintre/peinture. La couleur, la texture, le
matériau eurent également ses faveurs à travers des recherches marquées par l'empirisme. La peinture, l'art n'étaient pas pour lui cosa mentale. C'est dans
l'esprit de ses recherches sur la couleur et le matériau qu'est née La Tour de Feu, symbole en quelque sorte de son passage au Bauhaus. Bauhaus qu'il quitta quand, décidément, ses préoccupations métaphysiques et les
préoccupations rationnelles de ses collègues tracèrent des directions par trop divergentes. Goethe Loft, 18 rue François Dauphin, Lyon 2e.
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