Musiques polyphoniques de Centrafrique
Par Jean-Marie Juvin Le Toboggan de Décines et sa programmation très éclectique accueille deux groupes représentants des Musiques
polyphoniques de Centrafrique, pour une soirée sous le signe du chant et de la danse.
Les Aka sont l'un des trois groupes de Pygmées que l'on trouve aujourd'hui en Centrafrique. Il y a peu de temps encore, ils étaient totalement nomades,
vivant dans la grande forêt équatoriale et n'en sortant qu'épisodiquement pour y pratiquer le troc avec des Africains des villages alentour : troc de gibier
contre du sel – denrée extrêmement précieuse – et du métal sous forme de sagaies , de couteaux et lames. A ce jour on ne les trouve dans leur habitat
traditionnel que pendant la saison des pluies, soit la moitié de l'année. Là plusieurs campements se regroupent pour organiser les grandes chasses communes. Chez les Pygmées (tout comme dans les autres sociétés
africaines), la musique est étroitement liée à la vie sociale et religieuse du groupe. Elle tient un rôle central dans toutes ses manifestations; il n'y a pas de journée
sans musique. Malgré certains points communs avec d'autres musiques traditionnelles de la région, ils se distinguent radicalement par la pratique d'une
polyphonie vocale hautement élaborée. Lorsqu'on entend chanter l'ensemble des membres d'un campement, on retient l'impression d'un extraordinaire
entrelacs de voix, de timbres vocaux ; où prédomine le procédé du jodel (ou "tyrolienne") qui est une alternance de voix de poitrine et de voix de tête. Cette forme artistique issue de la tradition orale
se présente comme une musique cyclique, fondée sur la répétition de périodes constantes - métriques, rythmiques et mélodiques - enrichie de variations chantées. Cette technique est le fruit d'un long
apprentissage que les enfants découvrent dès qu'ils savent marcher, ou dès lors qu'ils participent à la vie de la communauté. On ne s'étonnera pas alors de la variété des improvisations effectuées lors d'une
polyphonie chantée. Deux instruments seulement ont ce statut exclusif : l'un en forme de hochet , typique de ce campement, l'autre est un ensemble de
sonnailles que l'on accroche aux chevilles. Les Pygmées se servent aussi d'instrument éphémères empruntés à leurs trajectoires nomades, qu'ils adaptent et qu'ils délaissent aussitôt. Formidable dentelle de voix, cette
musique répond aux échos d'une forêt profonde. Au nombre de 400 000 les Banda constituent l'ethnie la plus importante de Centrafrique, divisée en
cinquante sous-groupes avec leurs coutumes, parlers et musiques. Les Linda sont une de ces ramifications. "Ongo" signifie le souffle, c'est aussi la
désignation d'un ensemble polyphonique de trompes taillées dans le bois. Le jeu est pratiqué pour le culte des ancêtres, comme rite d'initiation pour les
jeunes garçons. La taille de ces instruments varie, de vingt centimètres pour celles faites à partir de cornes d'antilopes, à deux mètres pour celles taillées
dans des racines de kapokiers ou de papayers (initialement creusées par les termites). La troupe du village de Tragode s'enracine dans la Ouaka, région de savane
arbustée. Elle est composée d'agriculteurs sous la houlette deWapounaba Ferdinand, vétéran de soixante années et des "souffleurs" de la nouvelle
génération. La forme traditionnelle a été retravaillée par Barthélémy Etoumba, qui apporte une chorégraphie singulière, ainsi que des intermèdes faits de
tambours à fente, xylophone à cinq lames, cithares, gombi..., donnant à ce rituel une expression de son évolution. Une soirée hivernale à ne pas manquer, pour toucher de l'index en salle
chauffée, la force des traditions vivantes d'Afrique. Musique polyphonique de centrafrique.
Le Toboggan. 14, avenue Jean Macé. 69 Décines Rens : 04 72 93 30 00. Jeudi 16 décembre à 20h30. |