25 ans, CNSMD, Lyon par Dominique Dubreuil
Bien sûr, il y faut de la méthode, de la rigueur: Descartes, en ses 4 règles, recommandait: "ne jamais recevoir aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle",
"conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples, pour monter comme par degrés jusque à la connaissance des plus composés", et "faire partout des
dénombrements si entiers et des revues si générales que je fusse assuré de ne rien omettre"… Voilà qui a dû guider le coordinateur de cet ouvrage-mémorial, François Sabatier, qui s'y connaît
en philosophie puisqu'il l'enseigne – rapportée aux arts musicaux – dans les bâtiments esthétiquement supérieurs du quai Chauveau, ainsi que le chargé de communication qui a réalisé et synthétisé
l'ensemble, Nicolas Crosio. L'exercice, dûment préfacé par l'autorité de tutelle, est risqué parce que d'un côté on se doit à la vérité historique (mais
sans céder à la tentation du déluge d'informations, qui napperait d'une sauce hagiographique le corps trop bien ficelé du sujet), et de l'autre il faut aussi intéresser sinon le vulgum pecus
paissant les verts pâturages du bord de Saône du moins les honnêtes gens qui se hasardent en ces commémorations spécialistes. Bref, prendre conscience, comme l'écrit l'actuel directeur, Henry
Fourès, qu'ici on "n'accueille pas l'histoire comme peut le faire un musée, mais le jaillissement de la vie, le présent même: l'inconnu est son avenir".
A travers trois grands mouvement d'une Symphonie d'ampleur post-romantique, on verra que l'allegro initial parle de fondation institutionnelle et pédagogique, l'andante tranquillo e maestoso
(de loin le plus long) de l'histoire des disciplines, et le finale de bâtiments, médiathèque et manifestations publiques. Mais à l'intérieur de chaque mouvement, le ton peut
varier – ainsi, au début de l'allégro le récit d'agenda primesautier de la co-fondatrice en idées, Simone du Breuil, que suivent des entretiens plus…
fonctionnels avec le compositeur et inspecteur de la Musique Michel Decoust et le compositeur (mais aussi 2e Directeur du CNSM) Gilbert Amy. L'andante
est naturellement le plus riche en informations, classées par disciplines (à propos, ce terme évoquant l'entrée moliéresque: "Laurent, serrez ma haire
avec ma discipline" ne pourrait-il être remis en question?) parce qu'il faut bien ordonnancer tout cela, et qu'il faut faire place à la chronologie dans les
témoignages répartis sur 25 ans d'exercice, pour de nombreux enseignants aux méthodes et aux modalités pédagogiques diverses. Les rédacteurs de
l'ouvrage ont, semble-t-il, accepté les (bien rares) voix divergentes, et ce sera un jeu pour le lecteur de détecter quelques plaisanteries musicales un peu
acides au milieu d'un concert d'harmonie consonante. Dans le cas d'enseignants aujourd'hui disparus, les témoignages se teintent d'une émotion touchante (Xavier Darasse, Jean Boyer, Jean-Louis Florentz… ; on s'étonne
d'ailleurs de chercher –en vain? – semblable éloge, au moins synthétique, du fondateur Pierre Cochereau… ). Ceux qui veulent disposer des éléments d'une réflexion sur la formation
supérieure des jeunes musiciens seront comblés, même s'ils doivent un peu naviguer de récits forcément assez vivants en plus arides rapports et
contributions de l'institution qui s'auto-questionne. Ceux qui se contentent d'un gros livre-souvenir ne seront pas déçus, d'autant que la qualité éditoriale
de la mise en pages et de l'illustration, le soin du report des documents et des tableaux chronologiques, la lisibilité générale impressionnent tout au long de
ces 250 pages. Ceux qui voudraient un peu plus que tout cela, et/ou un ton plus libre vis-à-vis des institutions, peuvent partir de ce livre pour en apprécier
les mérites, en imaginer les contraintes, et une version plus conforme à leurs désirs qu'à cet ordre du monde-là.
25 ans, CNSMD, Lyon (éd.Symétrie) http://www.symetrie.com |