Expérience croisée,
où les champignons relient l'artiste et le scientifique La vision "écosystémique" de Mourad Messoubeur fait partie de la longue
tradition platonicienne, dans laquelle la préexistence de l'ordre et de la beauté dans la nature n'a jamais quitté les artistes. En ouvrant les portes de son laboratoire fongicide à cet artiste,
Aventis CropScience participe au grand mouvement actuel d'appropriation de l'infiniment petit par le grand public. Ce mouvement est d'autant plus important qu'il transforme
lentement la représentation de notre environnement familier. Le travail de Mourad Messoubeur s'inscrit dans le
prolongement des artistes qui avaient pressenti l'arrivée du déterminisme chaotique. Tel René Magritte avec Le dernier cri 1967, où les structures de l'organisation
fractale du végétal sont aujourd'hui décrites avec la "magie" des équations quadratiques. Lesquelles sont à la portée de la jeunesse pour peu qu'elle aille sur Internet copier les logiciels scientifiques.
Ces observations ne datent pas d'aujourd'hui: Dürer, Léonard de Vinci, avaient déjà remarqué que le rythme des
bifurcations des branches du chêne était au nombre d'Or, un de ces nombres faisant partie de la panoplie des mouvements non-linéaires, mentionnés par Mandelbrot.
Plus proche de nous, de nombreux artistes comme Mondrian, Pollock et Tobey, ont travaillé dans ce sens. A l'image de Gustave Klimt, où L'arbre de vie n'est pas sans
rappeler l'expérimentation des réactions chimiques de Belousov-Zhabotinsky, lorsque les ondes chimiques en forme de spirales marquent l'organisation du vivant. Ce qui fait dire au physicien Roland Fivaz, que
L'Ordre et la Volupté 1 du mental sont un phénomène chimique propice à révéler les structures cachées de notre écosystème. Et ceci, bien au-delà de ce qui peut réunir l'artiste et le
scientifique.
Mais le travail de Mourad Messoubeur dépasse de loin la nouvelle représentation des mondes par la géométrie du Chaos. En prenant directement la matière vivante comme
support et contenu, l'artiste nous pousse dans nos derniers retranchements. Le thème des champignons n'est pas innocent, il met en
scène l'immuable conflit entre la vie et la mort. Il est facile de partager l'harmonie et la beauté dans le cadre du vivant, référencé à notre état. Il reste plus difficile à faire partager
que la pourriture n'en est pas moins animée par les mêmes règles esthétiques et mathématiques (ce que sont aussi les champignons). Ce conflit de repères est encore plus d'actualité lorsque la
manipulation des micro-organismes est l'enjeu d'un possible eugénisme, tout en posant crûment le problème de l'identité humaine. En effet, acheter une œuvre de Mourad Messoubeur
revient symboliquement à acheter une partie de soi-même, mais aussi le bien commun de l'humanité. L'accrocher dans son salon n'est pas un acte anodin. Au travers de la
génomique, des OGM …, la transformation, le commerce et la propriété du vivant, ne sont plus de la science-fiction. L'artiste renvoie au constat qu'il nous reste à conquérir une
autre dimension humaine à l'aube du 21ème siècle ! Et cette nouvelle dimension passe par la beauté, une chose aussi énigmatique qu'immuable puisque que partagée depuis les
temps les plus reculés de la Préhistoire. JPH Aventis CropScience à La Dargoire Exposition du 15 juin au 29 septembre 2000
14/20, rue Pierre Baizet 69009 Lyon du lundi au vendredi de 10H à 18H |